Dans la pièce de théâtre épique «Ciné-Valise», nous avons retracé le parcours de Milton Ray Hartmann, raconté ses succès et aussi ses échecs. Nous avons eu de la chance: au début de l'été, des mesures relativement légères étaient en vigueur pour endiguer la pandémie de Coronavirus, ce qui nous a permis d'organiser une véritable fête d'anniversaire autour de la représentation.

«  On nous a dit que vous êtes les personnes qui vous occupez de l’école dans toute la Suisse. Un job plutôt compliqué. Mais prenez cette valise avec toutes ces idées et faites-en quelque chose de bien.  »

Ida et Adi

Notre volonté ne se résumait pas, lors de cet événement, à placer Milton Ray Hartmann sur un piédestal et à offrir aux invités une bonne ambiance lors de l'apéritif et du repas. Nous souhaitions aller au-delà, comme en témoigne le déroulement de la pièce de théâtre, présentée à cette occasion: celle-ci était ainsi ponctuée de courtes séquences filmées, mettant en lumière les défis actuels du système éducatif. Lors de la représentation, Milton Ray Hartmann a été interrompu à plusieurs reprises par ces séquences, qui ont perturbé le récit de ses aventures et de ses exploits, reléguant finalement son personnage à l'arrière-plan. A la fin, des jeunes sont montés sur scène et ont expliqué avec audace à la secrétaire générale de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) et au directeur suppléant du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI)  de quoi souffrait l'école de leur point de vue et ce qu'il fallait changer dans l'enseignement – avant de leur faire promettre qu'ils s'engageraient à défendre leurs intérêts.

Milton Ray Hartmann n'était pas, à proprement parler, en avance sur son temps. Il avait, en effet, observé l'introduction des films à l'école et dans l'enseignement aux Etats-Unis. Les écoles suisses n'utilisant pas encore ce média dans leur enseignement, il a développé un projet commercial. Il achetait  des films éducatifs à l'étranger, les adaptait au contexte suisse et produisait ses propres films sur des thèmes nationaux pour pouvoir les projeter, moyennant paiement, dans les écoles. Avec la Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire, Milton Ray Hartmann n'a donc pas lancé une nouveauté révolutionnaire, ni une offre qu'il aurait développée de A à Z, mais il a essayé d'utiliser au mieux en Suisse l'avance qu'il avait constatée dans les écoles américaines.

«  Nous croyions au film de qualité, espérions pouvoir l'introduire partout et lutter ainsi de manière positive contre la camelote cinématographique.  »

M.R. Hartmann

Milton Ray Hartmann a indubitablement poursuivi et géré son projet commercial avec ténacité. Il se heurta à des difficultés techniques, à des doutes pédagogiques, à l'opposition des autorités et à des réticences politiques. Dans tous ces domaines, il a toujours réussi à s'entourer de nombreux compagnons de route qui ont soutenu la Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire. Sa fascination pour le cinéma et la technique cinématographique, jusqu'à l'amélioration technique des projecteurs, l'a poussé à rechercher constamment des innovations permettant de pallier l'absence d'appareils de projection dans les écoles. Face au scepticisme du corps enseignant quant à l'utilisation de films dans l'enseignement, il distinguait nettement le «film respectable et de qualité» que la Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire proposait aux écoles, et le «vaudeville kitsch» et le «film de camelote», que d'autres distribuaient et qu'il fallait combattre. Confronté au refus des autorités et aux réticences politiques, il a tissé un réseau de contacts qui s'est finalement étendu jusqu'aux plus hautes sphères des autorités et de la politique de l'éducation cantonales et nationales. Il a ainsi pu mobiliser régulièrement des personnes pour les nombreux comités et commissions. Ce soutien a permis d'éviter les écueils qui ont de temps en temps menacé l'existence de sa Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire.

«  Les sacrifices financiers consentis pendant des années dans ce but ne se justifiaient plus, principalement parce que dans de nombreux endroits, des paroisses, des institutions, des associations, etc.. avaient fait l'acquisition d'appareils de projection.  »

M.R. Hartmann

Il est difficile d'estimer si la Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire a constitué une réussite pour Milton Ray Hartmann. La coopérative n'a été dissoute que dans les années 1970, après tout de même plus de 50 ans d'existence. Et ce, non pas à cause de ses aspirations et des activités entreprises pour y parvenir, mais car elle n'a pas suffisamment prêté attention à un élément: l'avance qu'elle avait prise à ses débuts s'était dissoute. Les projecteurs et les installations sonores sont devenus plus petits et plus maniables, plus faciles à utiliser et leur prix a baissé au point que certaines écoles ont pu en faire l'acquisition. Évoquant la dissolution dans son autobiographie, Milton Ray Hartmann utilise le terme «abandonner», ce qui laisse présager une fin plutôt amère pour lui sur un plan personnel.

Toutefois, l'histoire de la Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire se termine sur une note positive. Les écoles et le corps enseignant actif au sein de cette centrale se sont appropriés le média cinéma, à tel point qu'ils n'avaient plus besoin de soutiens extérieurs. Ils ont découvert le film en tant que média lors des projections mises en scène par Milton Ray Hartmann comme un véritable événement. Ils l'ont adapté à leurs propres objectifs et aux conditions locales et ont pu se procurer les moyens dont ils avaient besoin par les voies sinueuses des autorités et de la politique de l'éducation.

«  Nous sommes les agents novateurs dans l'espace numérique de formation.  »

Educa

L'actuelle «Educa – agence spécialisée pour l'espace numérique de formation» se rattache à ces deux extrémités de l'histoire de la Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire de Milton Ray Hartmann. Elle associe le développement technologique et le marché EdTech en pleine mutation aux objectifs fixés par l'État en matière de développement de la qualité dans l'espace suisse de formation. L'objectif n'est pas d'avoir une longueur d'avance à gérer, mais – comme l'ont dit Ida et Adi lors de la pièce de théâtre – d'accueillir les bonnes idées dans l'intérêt des  élèves, de les développer et de les mettre en œuvre avec tous les acteurs concernés.

 

Epilogue

La survie toujours précaire de la Centrale suisse du cinéma scolaire et populaire  a fait mûrir chez Milton Ray Hartmann la décision de contribuer personnellement à la promotion du cinéma de qualité. En 1958, à l'occasion de son 60e anniversaire, il a créé la Fondation Milton Ray Hartmann. Elle aussi s'est adaptée en permanence à l'évolution de la technologie et de la société. Dans le but de développer la numérisation dans l'éducation, elle soutient des projets de numérisation innovants dans les écoles et l'enseignement selon des critères d'encouragement qui changent périodiquement. Les requêtes peuvent être déposées directement sur le site web.

 

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